Monday, July 14, 2008

Palestine, Israël, foi chrétienne « évangélique » et objectivité – lettre à un pasteur évangélique (première partie)

Bloggeur invité ; en français dans le texte.
Cora a passé près d’une année à Bethlehem vivant et travaillant comme volontaire pour une organisation caritative dans un camp de réfugiés palestiniens. Elle a réalisé un documentaire sur la mémoire des évènements de 1948 : naissance d’un état pour les Israéliens ; «nakba » ou catastrophe pour les Palestiniens. Lorsqu’elle partage ses observations avec son pasteur (Serge-- nom changé pour préserver son anonymat) resté en France, Cora est confrontée par la difficulté de Serge à réconcilier la réalité que présente Cora de façon humaine et historique avec les présupposés plutôt traditionnels de la « pensée évangélique » par rapport à Israël, le « peuple de Dieu » et peut-être le future pré-ordonné et « apocalyptique » que doit connaitre la Terre Sainte.

Serge dit être « mal à l’aise » par rapport au travail de Cora « révélant les massacres de Palestiniens par les Israéliens. » Il exprime le souci que Cora ne « donne pas les armes à l'ennemi contre le peuple que Dieu a choisi. » Reconnaissant avoir une connaissance historique limitée, il recommande à Cora de ne pas oublier l’holocauste, ni « la haine et le racisme des pays arabes qui entourent [Israël] et finalement la presse et l'opinion publique qui se délectent de tout ce qui est contre Israël. » Finalement il conclue : « J'insiste pour ton bien, que tu ne tombes pas dans un piège et qu'au grand jour Dieu te le reproche.»

Les éléments de la réponse de Cora qui nous sont confiés ci-dessous sont une illustration de la nécessité de l’honnêteté quelque soit le rôle que nous avons — aussi modeste soit il. Ils reflètent un cheminement d’une foi, qui n’a pas peur de la vérité, mais orientée vers le service, la justice, le travail pour la paix et même l’amour du prochain – de tout prochain. —
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« Très cher Serge ; Je voudrais avant tout préciser que ma place ici n'a effacé de ma mémoire ni les connaissances historiques concernant la diaspora juive, vieille de nombreux siècles, ni l'apogée de leur souffrance lors de la seconde guerre mondiale. Cet évènement a touché un peuple qui s'est très peu défendu et qui en est inévitablement ressorti traumatisé. Je comprends ainsi très bien que ce peuple ait eu envie de trouver un lieu, une terre où il puisse se sentir en sécurité, loin des discriminations racistes et antisémites. Je ne fais aucun déni de cette page de l'histoire et des souffrances subis par ce peuple.

Toutefois, la question que l’on se pose ici est : est-ce que cette souffrance du peuple juif justifie celle des palestiniens ? A titre personnel, mon expérience ici m’a permis de m’interroger énormément sur ma foi et sur le Dieu que je désire servir. Ce temps passé ici m’a donné l’occasion de comprendre ce qu’est ma réelle responsabilité en tant que chrétienne et de déterminer ce qui m’appartient. Dieu me demande de m’appliquer à l’amour de mon prochain. Par contre, j’ai réalisé que les textes [bibliques] en rapport avec les « temps de la fin» et le retour du Seigneur n’ont que faire de mon jugement et de mes interprétations, parce qu’ « il ne nous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. »
[1]

Je viens de terminer mon docu-fiction sur la « Nakba », la catastrophe. Tu dois sans doute connaître cette partie de l’histoire : l’arrivée en 1948 des troupes sionistes a provoqué une vague de massacre et d’expulsion de nombreux palestiniens, évènement encore visible aujourd’hui, après 60 ans. Les villages démolis ont laissé des ruines, les camps de réfugiés existent toujours, regroupant jusqu’à cinq générations au sein d’une même famille. Les plus âgés ont été forcés de quitter leur village sous la menace des armes et il leur est interdit encore aujourd’hui d’y retourner. Leurs propriétés sont devenues propriétés d’Israël, elles ont été très souvent démolies et aujourd’hui le mur rend l’accès à ces terres perdues totalement impossible. Ce mur qui sépare Israël de la Palestine a été construit illégalement à partir de 2002 et il s’allonge encore aujourd’hui.

Le documentaire sur lequel j’ai travaillé réunit une grand-mère et son petit-fils. Ensemble, ils échangent leur histoire, leur mémoire collective, la vie avant 1948, le moment de la catastrophe, l’exode, l’arrivée dans le camp.

On s’aperçoit tout au long du témoignage de la grand-mère que le rejet et la discrimination font partis de sa vie et ainsi de l’héritage transmit à son petit-fils et de manière plus large à tous ces enfants du camp dont les grands-parents ont souffert de la Nakba. Quelles réactions attendons-nous de la part de ces enfants ? La docilité d’un troupeau de moutons? L’occupation de l’armée israélienne est violente, elle enferme et sépare toute une population (le mur passe à travers des villages, séparant des familles, les empêchant de se rencontrer). Les jeunes se considèrent parfois déjà morts, sans avenir, portant une identité bafouée, sous le joug d’un État militaire répressif. Qu’ont-ils à perdre alors en jetant des pierres contre un monstre gris de 10 mètres de haut ?

L’objectivité se trouve, je le crois, dans le travail que j’ai effectué. Par contre, la non-objectivité se trouve dans le déni des actions de l’État d’Israël et du Yishuv avant 1948. Tous ces faits sont réels, reconnus même par des historiens israéliens. Les textes de Ben Gurion, le plan Dalet, le recueil de témoignages des personnes qui ont vécu la Nakba sont autant de documents disponibles et nécessaires pour alimenter notre désir de vérité. [A titre inverse : Remet-on en question les témoignages des individus ayant vécu la Shoah? Qu’est-ce qui nous empêche de vouloir croire à la véracité des témoignages des palestiniens à qui la terre a été volée et dont les membres de la famille ont été exécutés ? Pourquoi cela nous gêne-t-il autant d’accepter cette vérité ?]

En tant que chrétienne, la vérité est une valeur importante à mes yeux et d’autant plus si elle s’associe à la libération et à l’apport de la paix pour mon prochain quelque soit son origine ou sa religion. »
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Nous en resterons là de la réponse de Cora pour aujourd’hui – la seconde partie suivra. La question posée est : pouvons-nous baser nos actions en tant que croyants sur l’ignorance ou sur des préjugés, même chargés de mysticisme et de références bibliques superficielles, ou devons-nous toujours accepter le prix et la peine d’affronter la vérité en face ?

Elrig

[1] Voire livre des Actes chapitre 1 verset 7

5 comments:

Anonymous said...

Cora,
je te conseille d'apprendre l'histoire complète et là tu auras l'équilibre. A lire avec attention :
http://www.shalom-israel.info/pageLibre00010198.html

Patrick.

Elrig Ciles said...

Merci du commentaire Patrick, mais je ne crois pas que l'on ne cesse de se "mettre en colère contre ces satanés israéliens qui massacrent des gentils palestiniens." Nous ne demandons pas le respect des droits des humains gentis contre les satanés qui que ce soit.
Simplement le respect des droits de chaque humain par son prochain.
Il y a des Palestiniens gentils, des beaux, des c*ns et des méchants. Pareil pour les Israéliens. Ce que nous demandons c'est le respect de l'humanité et la décence. Qui commence par une religion qui se soucie de l'autre, tout autre, quelle que soit la race ou la religion. C'est simple non?

Anonymous said...

Comme Cora le dit dans sa lettre, les historiens israéliens ne nie pas les fait et l'état d'israel non plus ! par contre les fait que les palestinien font, ils les omettent complètement mais ça personnes ne s'en émeut !
Je vous conseil la lecture de l'article suivant, il reflète très bien ma pensée surtout la citation suivante :

"CNN a diffusé un documentaire sur Gaza montrant une femme palestinienne qui se lamente et crie : mais qu’ont fait nos enfants pour être tués comme ça ? Qui sait. Peut-être s’agit-il de la même palestinienne qui se réjouissait il y a deux ans quand l’un de ses fils s’était fait exploser dans un restaurant de Tel-Aviv et qui disait souhaiter que ses autres enfants suivent le même exemple et deviennent martyrs ?
Mais quand l’idéologie et l’endoctrinement sont d’une telle bassesse, il devient normal que cette palestinienne perde toute notion de la valeur de la vie. Sinon, elle pleurerait ses enfants de la même façon, qu’ils se tuent dans un attentat suicide à Tel-Aviv ou sous les bombes israéliennes."

http://www.blogdei.com/index.php/2009/01/21/4564-gaza-ou-lhypocrisie-inegalee-le-point-de-vue-de-wafa-sultan

Esaïe

Elrig Ciles said...

En fait, Israël nie les faits et a créé une histoire officielle tissée de mensonge (comme beaucoup de nations d'ailleurs mais là n'est pas le problème). A tel point que l'histoire documentée et relativement objective ne sort que maintenant sous le chapitre d'histoire "révisioniste" (rien à voir avec le révisionisme que nous connaissons en Europe.). Lire Benny Morris ou Illan Pape ou Avi Shlaim ou Rashid Khalidi et tant d'autres. Lire aussi Ben-Ami ancien ministre des affaires étrangères.

En ce qui concerne votre commentaire sur cette femme palestinienne que vous ne connaissez pas, vous jugez le comportement que vous lui imputez 2 ans avant (vous n'en savez rien) pour justifier la mort de ses enfants aujourd'hui. Vous ne remarquez pas que c'est la même logique qu'appliquent les terroristes de l'autre côté (la mère juive qui pleure son enfant se réjouissait-elle de l'occupation, de l'oppression, et du meurtre de palestiniens innocents? donc elle le mérite). Votre logique - sans vouloir vous offenser mais je vous encourage à la réflexion - est donc aussi une logique de préjugé et haine de l'autre qui justifie tout.

Darwin peut vous absoudre mais Christ ne peut vous appuyer dans ce genre de cheminement si vous êtes chrétien. La paix commencera quand vous serez capable d'appliquer le même raisonnement à chaque être humain. Pour vous les juifs sont innocents et victimes par définition et les palestiniens sont à priori coupables et méritent ce qui leur arrive. A partir de là, vous ré-écrivez l'histoire de façon à être confortable avec votre philosophie.

Ce qui nous différencie ce n'est pas que vos sympathies soient israéliennes et les miennes palestiniennes; c'est que vos sympathies s'inscrivent dans un discours idéologique qui justifie la poursuite de la violence. Dès que vous réaliserez que (1) l'histoire est plus complexe et est différente de ce que vous l'imaginez; et que (2) nous avons affaire à des êtres humains des deux côtés, égaux en valeur aux yeux de Dieu et égaux en droits, je suis sûr que vous rejoindrez le camp de la paix. Et j'espère que vous garderez vos sympathies pro-israéliennes: Israël va avoir besoin d'amis pour apprendre la paix et renoncer au contrôle d'un peuple entier.

Merci de vos visites.
Elrig

Elrig Ciles said...

PS à Esaïe: j'ai mis en opposition Darwin et Christ (le blog de Cora était initialement écrit à un pasteur évangélique), mais c'est la même logique entre une pensée darwiniste et judaïque. Rappelez vous que la promesse de Dieu à Abraham venait avec un plus grand but / une condition à long terme / qu'un tribalisme divin. Dieu ou D---u aime tous les enfants qu'Il a créé. C'est l'homme qui est dans une logique de destruction mutuelle; Dieu est pour tous.